(Québec) Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a causé toute une surprise lors de sa conférence de presse pour marquer l’entrée en fonction de Santé Québec dimanche. En plus de reconnaître que les coupes de 1,5 milliard de dollars auront un impact sur les services et qu’il faudra le « minimiser », il a annoncé son intention d’avoir le contrôle sur les enveloppes de rémunération des médecins.

Tommy Chouinard

Tommy ChouinardLa Presse

Ces deux enveloppes dépassent les 8 milliards de dollars, médecins spécialistes et médecins de famille combinés. Elles sont au centre des négociations entre le gouvernement Legault et les deux fédérations médicales.

« On a à peu près le contrôle sur 5 % de l’enveloppe. C’est ridicule. Est-ce qu’on devrait avoir le contrôle sur 30, 40 % de l’enveloppe ? », a lancé Christian Dubé vendredi, mettant sur la table une « grosse demande ».

« Pour la première fois depuis des années, on veut reprendre le contrôle des enveloppes. […] En ce moment, avec la façon dont les anciens gouvernements ont donné le contrôle sur ces enveloppes, on n’a rien à dire sur qui fait quoi avec cet argent-là, c’est complètement à la discrétion des deux syndicats. Moi, je dis : “Ça, ce n’est pas possible” », a-t-il soutenu.

Selon lui, « ce n’est pas normal » que le gouvernement soit incapable de décider que les honoraires d’un médecin de famille allant donner des soins à domicile soient « beaucoup plus élevés » que ceux d’un médecin travaillant en clinique. Ou que « certaines spécialités soient mieux rémunérées et qu’on prenne l’argent dans d’autres spécialités qui sont probablement trop rémunérées ».

Le Vérificateur général a déjà dénoncé, en 2015, l’effritement du pouvoir de l’État dans la rémunération médicale. « Le [ministère de la Santé et des Services sociaux] perdra […] sa capacité à orienter la manière dont les sommes à verser seront utilisées » et « sa capacité à se servir de la rémunération comme levier pour améliorer entre autres l’accessibilité et l’organisation des services médicaux », déplorait-il.

La « grosse demande » de Christian Dubé s’ajoute à une autre qui n’est pas moins importante. Il veut imposer des pénalités aux médecins qui ne respecteraient pas des « indicateurs de performance », comme La Presse l’a révélé.

Selon le ministre, « il y a beaucoup de résistance au changement » de la part des fédérations médicales. Elles « jouent l’horloge », font traîner les discussions pour ne pas céder de terrain.

« On n’a pas le temps de répondre aux propos du ministre de la Santé : on a plus important à faire », a réagi la Fédération des médecins spécialistes du Québec sur X. Son message est accompagné d’une photo de son président, le DVincent Oliva, au travail dans une salle d’opération du Centre hospitalier de l’Université de Montréal.

La Presse révélait vendredi que Santé Québec s’était vu refuser une place à la table de négociation avec les médecins. Christian Dubé a plaidé que la société d’État sera tout de même informée des discussions. « La négociation des médecins, c’est une responsabilité conjointe du ministère et du Trésor. Est-ce qu’un jour, ça pourrait être possible de le faire autrement ? La réponse, c’est oui », a-t-il dit.

Le ministre a reconnu que l’entrée en fonction de Santé Québec se fait dans un « contexte difficile ». La société d’État doit éliminer 1,5 milliard de dollars de dépenses dans le réseau pour respecter le budget. La commande est d’autant plus importante que les dépenses en santé ont explosé dans les derniers mois et que le gouvernement veut tout faire pour éviter que son déficit ne soit plus élevé que 11 milliards – un record en chiffres absolus.

« On est en train de tout regarder pour être sûr qu’il va y avoir une rigueur budgétaire puis qu’on va être capable de minimiser – puis je le dis, le bon mot, c’est minimiser – l’impact sur les services », a affirmé le ministre.

AQDR