La réalisation des projets informatiques liés au système de santé québécois se dirige vers des dépassements de coûts estimés à plus de 100 millions de dollars, selon des informations publiques accessibles.
Geneviève Biron, présidente et cheffe de la direction de Santé Québec.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Depuis le scandale SAAQclic, la gestion des projets informatiques au gouvernement du Québec fait l’objet d’un examen scrupuleux. En santé notamment, où l’on constate des dépassements de coûts, en particulier pour l’implantation du Dossier santé numérique (DSN).
En mêlée de presse mardi, le ministre québécois de la Santé, Christian Dubé, a soutenu que ces dépassements seront raisonnables dans les circonstances
, tout en reconnaissant avoir souvent des inquiétudes pour les projets TI [technologies de l’information], parce qu’en TI, c’est toujours difficile
.
Or, selon les informations publiques disponibles, le projet vitrine du DSN, prévu à 265,4 millions de dollars, affiche un dépassement de coûts de 10 % à 30 %
. Cela équivaut à des dizaines de millions de dollars pour la phase initiale d’implantation et de rodage dans deux établissements, dont le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, où l’ex-numéro deux de Santé Québec, Frédéric Abergel, a été PDG.
Le DSN doit permettre au personnel soignant d’avoir accès aux dossiers de santé à tout moment, partout et de manière hautement sécurisée
.
Un autre projet en technologies de l’information de plus de 200 millions de dollars, le Système d’information des finances, de l’approvisionnement et des ressources humaines (SIFRAH), affiche un dépassement de coûts estimé de plus de 30 %
. Là aussi, cela équivaut à des dizaines de millions de dollars.
D’autres projets laissent aussi entrevoir des dépassements. Des projets amorcés dans plusieurs cas par le ministère de la Santé.
Le ministre Christian Dubé (Photo d’archives)
Photo : Radio-Canada
À Santé Québec, on précise par courriel qu’une révision est en cours afin de confirmer le budget 25-26 requis
pour le chantier du DSN. Des retards sont prévus pour le DSN et le SIFRAH.
En entrevue avec Catherine Gauthier à En direct avec Patrice Roy, vendredi, la présidente et cheffe de la direction de Santé Québec, Geneviève Biron, a confirmé que la société d’État subissait des dépassements de coûts. Pour le projet de DSN, qui a démarré avant l’arrivée de Santé Québec, il est important qu’on soit en mesure d’évaluer tout ce que ça prend, pas juste le coût du logiciel, mais ce qu’il y a autour.
Ce n’est pas une problématique avec le logiciel comme tel ou l’entente avec le fournisseur, c’est plutôt tout ce que ça prend autour, comme les tablettes, les appareils connectés, la formation du personnel; ce sont des choses dont on a besoin pour être capables de livrer nos projets.
Mme Biron avoue à demi-mot qu’il y a des choses qui n’ont pas été prévues au début du projet
.
On hérite de projets informatiques qui ont démarré depuis bien longtemps. Dans l’ensemble du réseau, il y a plus de 700 projets informatiques, alors on a une bonne analyse à faire de tout ça. […] Je pense que ce qui s’est passé, c’est que lorsqu’on a eu la conversation avec le fournisseur, on s’est rendu compte qu’on avait besoin de choses autour, qui n’avaient pas été prévues.
Mme Biron n’a pas écarté la possibilité que le dépassement de coûts excède 100 millions de dollars. Ce sont des projets qui demandent beaucoup, on a 30 000 personnes à former et, donc, ce sont des projets pour lesquels les besoins financiers sont importants
, a-t-elle indiqué en hochant la tête.
On demande depuis le début que le mandat de l’enquête sur le fiasco SAAQclic soit élargi et que celle-ci porte également sur les contrats informatiques en santé, dont le Dossier santé numérique. Ne pas le faire est de l’aveuglement volontaire
, a réagi le député Joël Arseneau, du Parti québécois.
Le Dossier santé numérique s’annonce déjà catastrophique, tant au niveau des dépassements de coûts qu’au niveau des échéanciers. SAAQclic n’est que la pointe de l’iceberg. Sous la CAQ, la transformation numérique de l’État est un gâchis complet aux frais de tous les contribuables
, a ajouté celui qui agit comme porte-parole du PQ en matière de santé et de services sociaux et en matière de cybersécurité et de numérique.
Un système attendu par 22 000 médecins
Panéliste jeudi dernier à l’occasion d’un colloque organisé par le Conseil pour la protection des malades (CPM), le vice-président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le chirurgien Serge Legault, n’a pas caché l’impatience de milliers de médecins spécialistes face au déploiement du DSN.
Le Dossier santé numérique, c’est la stratégie phare pour améliorer l’accès aux dossiers santé.
Le Dr Legault a mentionné que le DSN était porteur d’espoir
dans un contexte où l’informatique, c’est un gâchis provincial
.
Selon le vice-président de la FMSQ, le succès du DSN pourrait mener à la fin de l’utilisation du fax, encore très répandue dans le réseau, ainsi qu’à la mise de côté du système de prise de rendez-vous pour une consultation auprès d’un médecin spécialiste, connu sous le nom de CRDS. Une fausse bonne idée […] où on retrouve bien plus de 900 000 patients en attente.
De nombreux échanges entre des patients et des médecins lors du colloque ont mené à des pistes de solutions pour réduire la liste d’attente pour les chirurgies, qui compte près de 155 000 personnes.
Comme l’a ironisé à quelques reprises le Dr Legault tout au long du colloque, prenez des notes, Santé Québec!
, en s’adressant à son représentant dans la salle.
Des négociations entre le gouvernement et la FMSQ et la FMOQ sont attendues prochainement, après la présentation du budget, mardi.
SOURCE: Informatique à Santé Québec : des dépassements de coûts de plus de 100 M$ | Radio-Canada