
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE
Christian Dubé, ministre de la Santé
(Québec) Les médecins ne pourront plus quitter à leur guise le réseau public pour le privé, ni faire le va-et-vient entre les deux régimes comme bon leur semble. Ils devront bientôt respecter des critères et obtenir une autorisation, a appris La Presse.
Le ministre de la Santé, Christian Dubé, apportera ce mardi des amendements à son projet de loi visant à forcer les nouveaux médecins à pratiquer cinq ans au public sous peine de pénalités financières. Selon nos informations, cette mesure demeure, mais des ajouts seront faits au texte législatif pour freiner davantage l’exode vers le privé. Et ils ne toucheront pas seulement les jeunes médecins.
Pour comprendre les changements, il faut d’abord connaître les règles du jeu actuelles. Il est très simple pour un médecin de quitter le réseau public, donc de se désaffilier de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).
Il n’a qu’à informer la RAMQ de son intention en lui transmettant un avis. Trente jours plus tard, il devient automatiquement « non participant » au régime public. Il peut commencer à pratiquer au privé et à facturer les services aux patients. Et s’il veut revenir dans le giron public, il envoie un nouvel avis à la RAMQ et reprend la pratique au public huit jours plus tard.
En vertu des amendements de Christian Dubé, un médecin ne pourra plus simplement informer la RAMQ de son intention de quitter le réseau public. Il devra obtenir une autorisation afin de pouvoir passer au privé. La demande d’autorisation sera évaluée non pas par la RAMQ, mais par des gestionnaires de haut niveau du réseau.
Différents critères seront définis dans le projet de loi pour étudier une demande. On refusera la demande d’un médecin si son départ nuit à l’accès aux soins dans le réseau public ou allonge la liste d’attente dans une région, par exemple.
On sera plus ouvert à l’accepter si, par exemple, le passage au privé se fait durant une période précise où l’on offre peu de temps opératoire à un médecin en raison de vacances du personnel de l’hôpital.
Christian Dubé ne va pas aussi loin que ce que propose le Collège des médecins : interdire aux médecins de se désaffilier du réseau public, comme en Ontario.
800 médecins au privé
Selon les données du ministère de la Santé, 812 médecins étaient non participants au régime public en février dernier. C’est une hausse de 80 % par rapport à 2020.
Parmi eux, il y a des médecins de famille qui ont fait le choix d’ouvrir leur propre clinique au privé et des médecins spécialistes qui font régulièrement la navette entre le public et le privé.
Notons que le ministre Dubé laisse en veilleuse le projet de règlement qu’il avait préparé et qui avait reçu la bénédiction de la RAMQ dans le but d’empêcher ce va-et-vient plusieurs fois par année.
Le Québec compte quelque 22 800 médecins. Jusqu’ici, le projet de loi 83 de Christian Dubé ne visait que les jeunes. Le nombre de médecins qui choisissent le privé au début de leur carrière est d’ailleurs plutôt faible. Le cabinet du ministre a déjà avancé que 136 médecins de famille ont quitté le régime public durant leurs premières années de pratique entre 2020 et 2024.
Les amendements de Christian Dubé élargissent ainsi la portée de son projet de loi.
Le privé à la rescousse
Si le ministre envoie le message qu’il veut freiner l’exode, il a néanmoins laissé savoir récemment que le privé deviendra bientôt une solution de rechange qui sera utilisée plus souvent.
Santé Québec prépare un règlement pour envoyer des patients au privé aux frais de l’État lorsque ce n’est pas possible d’offrir au public une intervention chirurgicale ou une consultation auprès d’un médecin spécialiste dans un délai raisonnable, a indiqué M. Dubé.
En date du 8 février, 903 728 patients sont en attente d’une consultation auprès d’un médecin spécialiste, presque deux fois plus qu’à pareille date en 2020, donc avant la pandémie. Parmi eux, 63 % sont « hors délai ». C’est très loin de la cible que s’était fixée le Ministère au 31 mars (35 %).
Quelque 151 649 patients sont en attente d’une intervention chirurgicale, comparativement à 115 500 avant la pandémie. Ils sont 7121 à attendre depuis plus d’un an, trois fois plus que le résultat promis au 31 mars.
SOURCE: Exode de médecins vers le privé | Le ministre Dubé change les règles du jeu | La Presse