
Il y a plusieurs semaines, la sortie du rapport de la vérificatrice générale du Québec sur SAAQclic a braqué le projecteur sur la transformation numérique gouvernementale. Depuis lors, les révélations explosives s’enchaînent, forçant la démission d’Éric Caire de son poste de ministre de la Cybersécurité et du Numérique et le déclenchement d’une enquête publique. Face à ce fiasco, des questionnements sur la fiabilité des autres projets de transformation numérique gouvernementale commencent à émerger.
Le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ), ses groupes membres et ses alliés n’ont pas attendu le scandale SAAQclic pour s’inquiéter. Depuis plusieurs années, nous tirons la sonnette d’alarme sur les conséquences de la transformation numérique sur la population québécoise. À l’occasion de la Semaine de l’alphabétisation populaire, qui se tient du 7 au 11 avril 2025, laissez-nous taper sur le clou une fois de plus.
Saviez-vous que, selon les dernières données du PEICA (2022), 22 % des adultes québécois âgés de 16 à 65 ans sont considérés comme peu alphabétisés ? Ces personnes, qui ont de grandes difficultés pour lire, écrire, compter et comprendre les informations, ont bien du mal à évoluer dans notre société. Sans compter les murs que le numérique vient dresser sur leur parcours déjà semé d’embûches.
Effectivement, les personnes peu alphabétisées sont souvent en situation de pauvreté. Elles peuvent donc avoir plus de difficultés à accéder à Internet et aux outils numériques. De plus, avec des compétences en littératie plus faibles, elles manquent parfois de connaissances ou ne savent pas bien utiliser Internet et ces outils. Elles peuvent ainsi rencontrer des difficultés à faire des tâches qui nous semblent simples, comme chercher de l’information sur un site Internet, envoyer un courriel, télécharger un document ou prendre un rendez-vous en ligne.
Bref, ces personnes sont plus vulnérables aux fractures numériques. Et elles sont loin d’être les seules ! Les personnes âgées, immigrantes, autochtones, en situation de handicap ou vivant dans la pauvreté sont également concernées. En réalité, au Québec, plus d’une personne sur quatre trouve les interactions en ligne complexes !
Or, malgré tous les voyants rouges qui s’allument, le gouvernement de François Legault ne semble pas prêt à ralentir sa transformation numérique, comme en témoigne le dépôt récent du projet de loi 82 visant à implanter la future identité numérique.
Pourtant, sur le terrain, la situation ne cesse de se dégrader. Et SAAQclic n’est que la pointe émergée de l’iceberg ! Depuis la mise en place de la prise de rendez-vous médicaux en ligne via des plateformes comme Clic-Santé, l’accès aux soins se complexifie. À l’assistance sociale, le déploiement du projet UNIR s’accompagne déjà de nombreux problèmes, comme des pertes de documents ou des envois de lettres erronées.
On passe également trop souvent sous silence la fermeture de points de services, comme ceux de la CNESST et de la SAAQ, ainsi que l’orientation croissante vers les services en ligne. De plus, les demandes sur papier sont souvent plus coûteuses que leurs équivalents numériques, comme c’est le cas pour le remplacement d’une carte de la Régie de l’assurance maladie perdue. Sans oublier le temps interminable passé à tenter de joindre un employé ou une employée du gouvernement par téléphone.
Est-ce là le Québec que nous voulons ? Un Québec où seules les personnes à l’aise avec le numérique auront accès facilement aux services publics ? Un Québec où toute une partie de la population se verra privée des services auxquels elle a droit ? Un Québec qui exclut ?
Il faut impérativement renverser cette tendance. C’est pourquoi le RGPAQ a lancé, avec des alliés, la déclaration « Traversons l’écran pour que l’humain demeure au cœur des services publics ». Cette déclaration, qui a récolté 12 804 signatures, revendique notamment le maintien des services en personne, l’humanisation des services et la conservation d’autres options que le numérique, accessibles et de qualité. Le gouvernement doit entendre raison. La transformation numérique ne peut se poursuivre en laissant de côté une part importante de la population !
SOURCE: https://www.ledevoir.com/opinion/idees/864517/idees-quebec-exclut-numerique