La décision du gouvernement Trudeau de ne pas faire profiter les retraités du chèque de 250 $ le printemps prochain ne passe pas du tout. Nombre d’entre eux ont signifié leur mécontentement à La Presse, tandis qu’un organisme de défense des droits des retraités dénonce « une grave erreur ».
Karim BenessaiehLa Presse
« C’est vrai que je suis un chanceux qui a toujours travaillé à deux emplois, c’est-à-dire environ 60 heures par semaine, écrit Pierre Damico, retraité depuis 2021. J’encaisse mes REER. Résultat : je contribue grassement au revenu du gouvernement, mais je n’ai plus de revenu d’emploi, je n’aurai pas droit aux 250 $. Quelle injustice ! »
Normande Buissières, 77 ans, explique avoir un revenu de 24 000 $, « comme des tas de personnes seules âgées ». « Même si je voulais travailler, ce n’est plus possible, écrit-elle. Et des gens à l’aise pourront se payer de l’alcool, des gâteries… C’est une honte, c’est même odieux ! »
Ces doléances, Pierre Lynch, président de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR), les a abondamment entendues au lendemain de l’annonce du gouvernement Trudeau. Il les comprend entièrement.
Les personnes qui ont été les plus affectées par l’augmentation du coût de la vie, proportionnellement, ce sont les aînés, particulièrement les aînés les plus vulnérables, les gens qui ne vivent qu’avec les revenus fédéraux. Si on les exclut, je crois qu’on passe à côté d’une excellente opportunité pour aller les aider présentement.
Pierre Lynch, président de l’AQDR
Le NPD à la rescousse ?
Jeudi, Ottawa a annoncé un congé de taxe sur les produits et services (TPS) sur une vaste gamme de produits de consommation courante, du 14 décembre au 15 février. Les Canadiens ayant travaillé en 2023 et touché un revenu de moins de 150 000 $, ce qui exclut donc les retraités, recevront par ailleurs un chèque de 250 $ au début du printemps.
M. Lynch rappelle que cette annonce n’a pas encore force de loi, le gouvernement Trudeau devant obtenir l’assentiment d’un parti de l’opposition pour la faire adopter. Il a bon espoir que le partenaire de longue date des libéraux, le Nouveau Parti démocratique, refusera d’entériner cette décision.
« Je ne suis pas tout à fait certain que le NPD est prêt à exclure les aînés. Chose certaine, ce serait une grave erreur, ce serait très mal venu, si on dit que c’est pour aider à la suite de l’augmentation du coût de la vie. On dirait que les bottines ne suivent pas les babines. »
Comment explique-t-il qu’un gouvernement, minoritaire de surcroît, prenne le risque de s’aliéner une partie importante des électeurs ? Le taux de participation des Canadiens de 65 à 74 ans a été de 74,9 % en 2021, un sommet parmi tous les groupes d’âge. Celui des 75 ans et plus a été de 65,9 %, plus élevé que le taux global de 62,6 %.
« Il y a quelque chose d’irréfléchi là-dedans, répond le président de l’AQDR. En tout cas, moi, je ne comprends vraiment pas la logique derrière ça. »
Engagement électoral
M. Lynch estime que ce chèque ne devrait pas être versé en fonction de la participation au marché du travail, mais plutôt réservé aux Canadiens ayant les plus faibles revenus. L’organisme Option consommateurs, dans un communiqué publié vendredi, abonde dans ce sens.
« Pour le chèque de 250 $, nous proposons plutôt des mesures fiscales visant à aider les plus vulnérables par une bonification des programmes de crédits d’impôt profitant aux ménages à faible revenu et aux familles et une augmentation de la pension de vieillesse, indique Option consommateurs. Ces propositions seraient une mesure préférable pour aider les moins nantis et les retraités à faire face aux hausses de prix. »
Au Réseau FADOQ, qui représente les personnes de 50 ans et plus, on estime que « le gouvernement fédéral a de nouveau montré son manque de considération pour les personnes retraitées ». Dans un communiqué publié en fin de journée vendredi, l’organisme qui compte quelque 580 000 membres au Canada rappelle que le Parti libéral du Canada s’était engagé en 2021 à augmenter le Supplément de revenu garanti (SRG) de 500 $ par an pour les personnes seules.
« Les personnes retraitées en général sont furieuses ! affirme par communiqué Gisèle Tassé-Goodman, présidente du Réseau FADOQ. Il est devenu clair que le gouvernement Trudeau ne tiendra pas son engagement concernant le Supplément de revenu garanti. Les prestataires du SRG […] devront malheureusement continuer de vivre dans la précarité financière. »