Si vous voulez provoquer des réactions enflammées, parlez d’argent en y glissant quelques comparaisons entre les générations et ajoutez un soupçon de politique. Succès assuré.
Ce n’était pourtant pas l’effet recherché avec la publication de ma chronique sur la situation financière des aînés qui a suscité un raz-de-marée de réactions très fortes, allant de la violence verbale aux félicitations les plus touchantes. L’idée était plutôt de remettre les pendules à l’heure dans le contexte du débat sur la richesse des uns et des autres provoqué par l’annonce de la distribution de chèques de 250 $.
Lisez « Le mythe de la précarité financière des aînés »
La mesure est maintenant sur la glace. Les libéraux refont leurs devoirs puisque le NPD refusait de l’appuyer si la somme n’était pas donnée aux retraités. Le Bloc québécois souhaitait aussi une distribution aux aînés et aux personnes handicapées, pas seulement aux travailleurs gagnant moins de 150 000 $.
Si je me fie aux messages de retraités que j’ai reçus, au lieu d’élargir la distribution des 250 $, il vaudrait mieux la limiter aux personnes qui en ont vraiment besoin, peu importe leur âge ou leur situation. Un avis que je partage.
« Il faut continuer à aider les aînés dans le besoin, mais il est irrationnel et financièrement irresponsable de traiter l’ensemble de ce groupe sur un même pied », tranche M. Rochon, 76 ans.
« Je suis un retraité de 67 ans et 250 $ de plus ne changera absolument rien à ma situation. Si jamais je reçois ce chèque, j’en fais don aussitôt, annonce Ronald. Qu’on nous remette un tel chèque sans tenir compte de nos actifs est stupide, autant (sinon plus) que de le verser à un couple qui gagne 300 000 $ par an. Qu’on aide mieux les plus démunis, les vrais ! »
Quelques retraités jugent tout de même qu’ils méritaient un chèque d’Ottawa. « Je paie le même prix à l’épicerie et au restaurant que la personne qui travaille et a un revenu net de 150 000 $, fait valoir Nicole. Alors je ne peux accepter que je n’aie pas le droit à ce chèque. »
Sur la question plus large du niveau de richesse de la génération des baby-boomers, au cœur de mon texte, certains lecteurs très heurtés doutent de l’exactitude des données. Certains, au contraire, sont ravis que leurs observations soient validées. « Depuis que je suis à la retraite, indique François, je n’ai jamais été aussi à l’aise financièrement et c’est la même chose pour tous les retraités que je connais. »
« Ma génération a eu cette chance incroyable de devenir prospère », reconnaît une femme de 63 ans qui rêvait de devenir médecin à une époque où les femmes étaient plutôt « destinées à être femmes au foyer ». Aujourd’hui, elle vit avec le minimum.
Monique raconte qu’elle a travaillé pour le gouvernement du Québec une bonne partie de sa vie. « Le total net de mes rentes (RRQ, pension de vieillesse et RREGOP) s’élève à 2600 $ par mois. Je vis seule avec ces revenus. J’ai un peu de REER à retirer. Vous trouvez que je suis riche ? », demande-t-elle.
Le thème de l’indexation des rentes revient souvent dans vos récits.
« Je suis un ancien enseignant et directeur d’école. Je ne me plains pas de mon chèque de retraite, écrit Pierre. Ma pension de mon travail est gelée pour la moitié de mes années. Chaque année je m’appauvris. »
Vous m’avez aussi parlé de votre maison. Beaucoup plaident qu’en théorie, leur logis est un actif, mais qu’en pratique, c’est une dépense de plus en plus lourde en raison des taxes qui grimpent et de l’entretien.
C’est le cas de Françoise qui ne s’imagine pas vendre sa maison en pleine crise du logement pour avoir plus d’argent dans ses poches. « Je vends pour aller où ? », se demande-t-elle. « Sur papier je suis sans doute plus riche qu’une personne qui gagne 150 000 $, mais j’ai autant besoin de ce 250 $ que cette personne. »
« Personne ne peut aller à l’épicerie en payant avec un bout d’immobilier. Ça ne paye pas les comptes ni les dépenses de la vie de tous les jours, écrit une autre retraitée. Il y a plein d’aînés assis dans leur maison payée qui ont des revenus de 35 000 $ par année. Mais officiellement, ils valent peut-être 600 000 $. »
J’ai aussi lu des récits de retraités qui transpiraient l’acrimonie teintée de préjugés envers les plus jeunes et notre époque.
« On a mérité ce qu’on a en travaillant fort et qu’on s’est concentré à payer notre maison, à payer pour la meilleure éducation des héritiers possible et à s’assurer une retraite décente. Ça voulait dire pas de vacances tout inclus aux six mois, pas de gros VUS avant de pouvoir le payer cash et pas de resto sauf rarement. Maintenant que nous sommes retraités, le gouvernement subventionne les jeunes, les familles, les garderies, les loyers », dénonce Luc.
Pierre est arrivé de France en 1975 avec 100 $ dans les poches. À 71 ans, il vaut plus de 1 million, grâce à un duplex acheté en 1979 et à de l’épargne dans un REER. Sa conjointe a peu travaillé parce qu’il n’y avait pas de CPE. Ils se sont « serré la ceinture », ont mangé beaucoup de spaghettis et de pâté chinois. « Ma petite nièce et son conjoint ont chacun un salaire au-dessus des 100 000 $ par an. Leurs parents et grands-parents les ont aidés pour l’achat de leur maison. Quand ils ont emménagé, tout devait être neuf, électros, télé, tout ! Chacun a sa voiture neuve, son téléphone dernier cri, le chien (qui suit des cours de natation !), et “ils n’arrivent pas”. »
Pour préserver l’harmonie familiale dans le temps des Fêtes, vous savez quels sujets éviter autour de la table.
SOURCE: Votre vision de l’état financier des retraités | La Presse